Le 5 octobre 2023, François Xavier BELLAMY, eurodéputé (PPE), a effectué une communication (réseaux sociaux, presse) au sujet de l’interdiction générale de la gestation pour autrui dans l’Union Européenne. Décryptage par Me Clélia RICHARD, avocate au barreau de PARIS, associée de l’AARPI ALTERLINK.
La gestation pour autrui est bien prohibée en France.
L’article 16-7 du code civil français pose le principe de la nullité absolue de toute convention relative à la gestation pour autrui, en raison de l’indisponibilité du corps. Les articles 227-12 et 227-13 du code pénal français répriment quant à eux : soit le fait de provoquer une femme à abandonner son enfant, soit d’atteindre à sa filiation, à savoir (par exemple) que la mère qui a accouché de l’enfant ne figure pas sur l’acte de naissance de celui-ci, en laissant place à une mère. Ce sont donc des dispositions civiles et pénales qui visent la prohibition de la gestation pour autrui sur le sol français depuis 1994.
Pour autant, s’agissant du droit pénal, il a été jugé que les parents d’intention français ne sont pas poursuivables lorsque le parcours de gestation pour autrui est réalisé intégralement à l’étranger dans un pays qui l’autorise. La jurisprudence est constante depuis 2006.
S’agissant des droits relatifs aux enfants nés à l’étranger de gestation pour autrui, depuis 2015 la Cour de Cassation a établi les principes selon lesquels les enfants devaient être reconnus dans leur nationalité française et dans leur filiation au moyen de procédures judiciaires (adoption par le second parent par exemple).
Quelle est la position de l’Europe au sujet de la gestation pour autrui ?
Les Etats membres de l’Union Européenne, sont, rappelons-le, souverains dans l’élaboration de leur droit interne en matière de politique familiale, nataliste, en matière également de filiation, dans le respect des Traités de l’Union européenne (lesquels n’abordent pas ces questions). Seule la référence à la Convention Européenne des Droits de l’Homme pourrait s’y rattacher.
Que nous dit la Convention Européenne des Droits de l’Homme au sujet de la gestation pour autrui ? Rien de particulier. Sur le processus lui-même d’assistance médicale à la procréation la Cour Européenne n’a pas été saisie de la question de savoir si cela était contraire aux principes fondamentaux. En revanche la CEDH a une jurisprudence fournie en ce qui concerne les enfants nés par une gestation pour autrui, lesquels doivent se voir reconnaître leurs droits à une nationalité, à une filiation sécure et établie rapidement par l’Etat membre, faute de quoi celui-ci enfreint ses engagements conventionnels (d’où la position de la France rappelée ci-dessus).
Que nous dit François-Xavier BELLAMY ?
François-Xavier BELLAMY, député européen du parti populaire européen, a communiqué sur les réseaux sociaux au sujet d’un amendement qu’il s’est félicité de faire adopter par le parlement afin d’établir une interdiction générale dans toute l’Union Européenne de la gestation pour autrui. Il y a confusion entre plusieurs concepts.
L’amendement intégré et voté par M BELLAMY concerne la question de la traite des êtres humains, ou le trafic d’êtres humains, ce qui, contrairement à ce qu’indique M BELLAMY, n’a pas de rapport direct avec les conventions de gestation pour autrui. Il confond son opinion et une réalité factuelle et juridique selon lesquelles le trafic d’êtres humains ne se superpose pas à la gestation pour autrui.
Par ailleurs, M BELLAMY ne parle pas du projet de l’Union Européenne d’harmonisation des actes de naissance des enfants citoyens de l’Union Européenne. En effet, il est question de créer un certificat de naissance de l’Union Européenne. Celui-ci servirait par exemple pour qu’un acte de naissance français comportant deux mères, ou deux pères, puisse être « reconnu » par l’Autriche, l’Allemagne, la Hongrie, etc lorsque la famille est établie dans ce pays tiers.
Donc lorsqu’un couple français a recours à la gestation pour autrui en Grèce, la mère d’intention inscrite sur l’acte Grec se verrait reconnaître par la France, sans avoir à recourir à une procédure judiciaire. C’est sans doute à cela que M BELLAMY souhaiterait s’opposer, malheureusement il ne nous l’explique pas.
Et pour les couples d’intention italiens ou franco-italiens ?
Au sujet de la situation en Italie, la cheffe du gouvernement Giorgia MELONI a pour projet de faire voter un nouveau délit (déposé au parlement mais non voté à ce jour) : celui de faire une interdiction « universelle » sur son sol de la gestation pour autrui. Il s’agirait de faire traduire les parents d’intention italiens devant leurs tribunaux correctionnels, même en ayant recouru à la gestation pour autrui dans un pays qui l’autorise. Cela impacterait lourdement les parents d’intention dont au moins un des deux parents est de nationalité italienne. Pour l’instant ce texte n’est pas voté, et un de mes couple de parents a obtenu au mois d’octobre 2023 la transcription de l’acte de naissance français de leur enfant sur les registres civils italien.
Le droit, avec les enfants et leurs parents.
Pour conclure, rien ne change pour les parcours de gestation pour autrui aux USA, ni pour les parents français ni, pour le moment, pour les couples franco-italiens (au sujet desquels il faudra avoir tout de même un œil vigilant sur l’actualité de la législation italienne). Ces derniers peuvent recourir à la gestation pour autrui sans être inquiétés. Ni sur le plan pénal, ni sur l’acquisition des droits relatifs à leur enfant, sur la reconnaissance de leur filiation et de leur nationalité. Le droit français, très attaché aux droits fondamentaux, sera quoiqu’il en soit – c’est ma position antagoniste à celle de M BELLAMY- du côté des enfants et de leurs parents.