Après 8 longues années de procédure, Claire a été reconnue, mercredi 9 février 2022, mère de sa fille par la Cour d’Appel de TOULOUSE. Les juges lui ont accordé l’autorité parentale, la dévolution successorale, le droit pour sa fille de porter son nom, comme son épouse et ses deux autres enfants. Une famille enfin réunie par le pouvoir judiciaire, qui n’avait comme seule boussole les droits fondamentaux en plus du bon sens commun.
Vide législatif.
Le législateur avait choisi en effet de laisser dans le vide, la manière dont les enfants nés après les transitions de leurs parents trans allaient pouvoir s’établir. Impensé social ? Sujet trop sensible politiquement ? Le fait est que les magistrats de l’ordre judicaire devaient donc, à eux-mêmes, effectuer en quelque sorte le travail du législateur ; ce qui n’est pas leur fonction, même s’ils ont l’habitude de prendre à bras le corps des situations factuelles inédites et de leur appliquer la règle de droit.
Claire avant-gardiste
Déjà « en avance » au moment du prononcé de son changement d’état civil en 2011, Claire s’était vu reconnaitre le droit de pouvoir changer d’état civil, sans avoir à subir une opération de réassignation sexuelle complète au préalable. Au moment de la conception de leur fille, et juste avant sa naissance, Claire et Marie savaient que la filiation à l’égard de Claire ne rentrait pas dans les « outils » mis à disposition du code civil. C’est la raison pour laquelle Claire a eu l’idée d’aller naturellement reconnaitre sa fille à naître devant un Notaire. C’est cette reconnaissance maternelle (qualifiée de non gestante pour ne pas disputer la maternité de Marie), dont il a été question pendant 8 ans : pouvoir la rendre efficace par une décision de justice.
Solution retenue par les juges toulousains.
Ainsi, les juges toulousains ont retenu la solution la plus logique que notre droit, contrairement à ce que soutiennent certains auteurs mécontents voire blessés (on se demande à quel titre), permet aujourd’hui. Tout d’abord, et prenant le contre-pied de la chambre civile de la Cour de Cassation, c’est l’enfant qui a été placé au départ du raisonnement. Une filiation doit être établie. Puis, la volonté de cohérence avec les décisions judiciaires antérieures (le changement d’état civil de Claire) est venue consolider la voie maternelle de la filiation, laquelle a été également proposée par le parquet général. Enfin, les évolutions législatives récentes (possibilité pour les couples de femmes de reconnaitre leur enfant devant notaire dans le parcours PMA) sont venues tout simplement parachever la solution retenue, en conformité avec l’ordre public. Progressiste et respectueuse jusqu’au bout de l’humanité de toutes les parties, la mention relative au changement d’état civil de Claire a été écartée de l’acte de naissance de l’enfant.
Pourvoi ?
La toile se déchaine de commentaires, et les plus violents viennent, comme d’habitude, d’une certaine « intelligentsia » qui prétend d’ailleurs être la source ou les inspirateurs des décisions de justice, rendue par des sortes de pantins, et dont la cause est portée par des avocats « techniciens de surface » du droit.
Le pourvoi n’est pas possible concernant la filiation maternelle car la solution a été portée par l’avocat général en titre de la Cour d’Appel de TOULOUSE, il n’y a dès lors plus d’intérêt à agir, tout simplement.
Le pourvoi dans l’intérêt de la loi n’est pas plus pertinent, puisque comme rappelé ab initio, la loi ne dit rien ; ni sur la manière dont la filiation des enfants nés après les transitions doit s’établir, ni si la mention du changement de l’état civil du parent transgenre doit figurer sur l’acte de naissance de l’enfant. Par conséquent le débat est clos.
CEDH – Cour Européenne des Droits de l’Homme
Le débat est clos sauf en ce qui concerne la reconnaissance maternelle, question dont est saisie la CEDH, et qui devrait logiquement prospérer. Comment justifier qu’un homme cis ou trans puisse reconnaître son enfant, une femme cis ou trans en parcours de PMA, alors que Claire ne le pourrait pas ? C’est impossible de le justifier. Et c’est la principale carence des commentaires qui s’inscrivent contre la solution de Toulouse…précisément la solution cherchée par Claire est celle du droit commun. Les juges Toulousains n’ont pas pu y faire droit à cause de l’autorité de la chose jugée prononcée par les magistrats de la première chambre civile, obnubilés par une vision naturaliste et conservatrice de l’humanité, et persuadés de tenir la vérité juridique qui en fait n’existe pas.
Clelia RICHARD
Avocate au barreau de Paris et associée d’ALTERLINK