La révision de la loi bioéthique devrait donner lieu à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, en couple de même sexe ou célibataires. Aujourd’hui elle n’est accessible en France qu’aux couples hétérosexuels ayant des problèmes de fertilité ou des risques de transmission d’une maladie génétique grave.
Afin de protéger l’établissement de la filiation de l’enfant issu de PMA, dont le projet parental a été initié par un couple de femmes, afin également de donner à l’enfant l’information à sa majorité de son mode de conception, le projet de loi envisage de faire signer aux parents une déclaration anticipée de volonté qui sera transcrite sur l’acte de naissance de l’enfant.
Bien d’autres aménagements de notre droit de la filiation seraient envisageables et respectueux du respect de la vie privée de l’enfant et de ses parents, prenant en considération les impératifs suivants :
- Etablissement de la filiation des enfants issus de PMA avec tiers donneurs – une égalité nécessaire entre tous les enfants et un dispositif d’établissement de la filiation immédiatement sécurisant
- La sécurisation de la filiation d’intention de l’enfant issu de PMA antérieures à la loi
- L’intégration des PMA réalisées à l’étranger dans le dispositif de la loi.
I – L’établissement de la filiation des enfants issus de PMA avec tiers donneurs – une égalité nécessaire entre tous les enfants et un dispositif d’établissement de la filiation immédiatement sécurisant
La Déclaration Anticipée de Volonté (DAV), telle qu’envisagée par le projet de loi, deviendrait le mode d’établissement de la filiation des enfants issus du projet parental d’un couple de femmes qui auraient recours à une PMA.
Parce qu’elle serait réservée et l’unique mode d’établissement de la filiation des enfants issus de PMA, sa transcription sur l’acte de naissance intégral reviendrait à inscrire le mode de conception de l’enfant, information par nature intime et médicale, à l’état civil et donc à permettre à des tiers d’y accéder sans que l’enfant ou ses parents concernés au premier chef par l’information ne puissent s’y opposer
- Époux, épouse ou partenaire de Pacs
- Ascendant de la personne concernée (parent, grand-parent…)
- Descendant de la personne concernée (enfant, petits-enfant)
- Professionnel autorisé par la loi (avocat pour le compte d’un client par exemple, notaire, tribunaux …)
Décret no 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l’état civil – Art. 30 :
Les copies intégrales des actes de naissance et des actes de mariage peuvent être délivrées à la personne à laquelle l’acte se rapporte à la condition qu’elle soit majeure ou émancipée ainsi qu’à ses ascendants, ses descendants, son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, son représentant légal et aux personnes justifiant d’un mandat écrit ou du dispositif de la décision d’habilitation familiale prise en application de l’article 494-1du code civil.
Les copies intégrales des actes de reconnaissance peuvent en outre être délivrées aux héritiers de l’enfant.
L’avocat peut obtenir la copie intégrale des actes de l’état civil que son client est légalement fondé à requérir.
Les copies intégrales peuvent être aussi délivrées au procureur de la République, à l’officier de l’état civil, aux autorités mentionnées aux articles 26-1 et 31 du code civil compétentes pour enregistrer les déclarations d’acquisition de la nationalité française et délivrer les certificats de nationalité française, au notaire et, dans les cas où les lois et règlements les y autorisent et en référence expresse à ceux-ci, aux administrations publiques.
Les généalogistes qui procèdent à des recherches en application de l’article 36 de la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités ou des dispositions de la loi no 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence peuvent également obtenir une copie intégrale des actes de l’état civil, sous réserve qu’ils justifient de l’autorisation de consultation des actes de l’état civil délivrée par l’administration des archives et qu’ils soient porteurs d’un mandat ou d’une demande émanant d’un notaire, d’un organisme d’assurance ou de toute autre personne ayant un intérêt direct et légitime.
Les copies intégrales des actes de décès et des actes d’enfant sans vie peuvent être délivrées à toute personne.
Toutefois, lorsque la communication des informations figurant dans l’acte de décès est de nature à porter atteinte, compte tenu des circonstances du décès, à la sécurité des personnes désignées dans l’acte, le procureur de la République peut limiter la délivrance des copies intégrales de l’acte aux personnes mentionnées aux alinéas précédents ainsi qu’aux ayants droit du défunt, à la condition qu’ils justifient des nom et prénoms usuels des parents de celui-ci.
Les autres personnes ainsi que les généalogistes intervenant hors les cas prévus au cinquième alinéa, ne peuvent obtenir la copie intégrale d’un acte de naissance, d’un acte de reconnaissance, d’un acte de mariage et d’un acte de décès qu’en vertu d’une autorisation du procureur de la République. En cas de refus de celui-ci, ils peuvent saisir le président du tribunal de grande instance qui statue par ordonnance de référé.
Il est donc totalement faux d’affirmer que seul le titulaire de l’acte a accès à celui-ci.
Il est sans intérêt de préciser que seul un nombre restreint de personnes y auront accès alors même d’une part, que l’article 30 du Décret n°2017-890 du 6 mai 2017 démontre l’étendue particulièrement importante de cette transmission et d’autre part, que l’information sur le mode de conception relève de l’intime (et donc de l’intimité de la vie privée).
Sa transmission à des tiers ne devrait dépendre que du choix du titulaire de l’acte.
La déclaration Anticipée de Volonté, véritable engagement parental et mode d’établissement de la filiation d’intention eut été un progrès incontestable vers une égalité de toutes les filiations si elle n’avait pas été restreinte à une catégorie d’enfants.
La Déclaration Anticipée de Volonté, comme mode d’établissement spécifique de la filiation de l’enfant issu de PMA est cependant inacceptable en raison de la stigmatisation qu’elle génère.
La confusion entre le lien juridique qu’est et que doit demeurer la filiation et la connaissance par l’enfant de ses origines en est la cause.
Fondée de manière assez péremptoire sur l’idée que l’Etat doit s’immiscer dans la vie privée de la famille et dans le pouvoir éducatif des parents, pour apporter à l’enfant cette information, la déclaration anticipée de volonté s’avère de toute façon un dispositif non seulement stigmatisant mais particulièrement inefficace :
Les parents de sexe différent pourraient toujours, du fait de l’accès aux modes d’établissement de la filiation de droit commun, déclarer la naissance de l’enfant sans faire état de l’existence de cette DAV.
La DAV ne présente aucun intérêt dans les couples de femmes puisque l’enfant connaîtra toujours son mode de conception.
Motiver enfin la DAV pour les couples de femmes par le fait qu’il s’agirait d’un rappel de la biologie est tout aussi inutile que parfaitement stigmatisant.
Dans le dispositif existant, la filiation de l’enfant est établie selon les modes d’établissement de droit commun visés aux sections I et II du chapitre II du livre VII du Code Civil : désignation de la mère dans l’acte de naissance, présomption de paternité et reconnaissance (article 316 et suivants du code civil).
Cette filiation est établie après signature par les parents d’intention qui recourent à une PMA avec tiers donneur, d’un consentement au don visé à l’article 311-19 du Code Civil.
Ce consentement au don, acte préalable majeur, a pour effet d’engager le parent d’intention dans sa parentalité et de le contraindre à l’établissement judiciaire de la filiation s’il n’y souscrivait plus, de voir engagée également sa responsabilité civile en l’absence de reconnaissance à la naissance de l’enfant.
Ce consentement résout par avance l’éventuel conflit de filiation entre l’intentionnelle et la biologique à l’avantage de l’intentionnelle, dispositif dérogatoire du droit commun.
Les couples de femmes s’engageant dans un processus de PMA avec tiers donneur en France pourraient donc signer le consentement au don chez notaire et le voir porter les mêmes effets s’agissant notamment de contraindre la femme qui n’a pas accouché à la parentalité et de résoudre par avance le conflit de filiation éventuel par l’incontestabilité de la filiation d’intention.
En ce sens l’article 311-19 du Code Civil ne serait pas modifié et l’article 311-20 du code civil uniquement en ce qu’il mentionne « les époux ou les concubins ».
Il pourrait être envisagé d’étendre les modalités d’établissement de la filiation :
- la présomption de paternité prévue aux articles 312 à 315 du Code civil en modifiant le terme en présomption de parentalité,
- la reconnaissance prévue aux articles 316 à 316-5, mentionnant déjà la reconnaissance maternelle, tout en créant un nouvel article 311-20-1 au code civil :
« Lorsque le couple a eu recours à la procédure prévue à̀ l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique :
1º Les articles 316 à 316-5 du présent code permettent l’établissement d’un second lien de filiation maternelle.
2º L’établissement de l’acte de naissance portant le nom de l’épouse ou l’établissement de l’acte de reconnaissance sont conditionnés à la preuve du consentement reçu par le notaire de recourir à̀ une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur. »
Cette intégration du couple de femmes ayant recours à une PMA en France implique que les dispositions de l’article 6-1 du code civil soient complétés :
« Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe.
Néanmoins, les dispositions du Titre VII du Livre premier sont applicables aux couples de même sexe lorsqu’ils ont eu recours à la procédure prévue à̀ l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique .
Par dérogation à l’alinéa précédent les dispositions prévues au titre VII, chapitre II, section 3 s’appliquent que les époux ou parents soient de même sexe ou de sexe différent, nonobstant les dispositions de l’article 320 du code civil »
II- La sécurisation de la filiation d’intention de l’enfant issu de PMA antérieures à la loi
Prenant en considération que de nombreux enfants issus de PMA réalisées à l’étranger antérieurement à la nouvelle loi, ne pourront voir établie automatiquement et dès la naissance la double filiation à l’égard de leurs mères, il peut être envisagé :
- soit une homologation judiciaire du consentement au traitement ou au don signé dans la clinique étrangère et l’établissement de la filiation par présomption ou reconnaissance, qui nécessiterait l’écriture d’un article 311-20-2 du code civil rédigé ainsi :
« En cas de recours à une AMP à l’étranger, le consentement signé à l’étranger sera soumis à homologation par requête conjointe devant le tribunal de grande instance du domicile de l’un des requérants. Les requérants font état de leur connaissance des conséquences de cet acte au regard de la filiation. Le tribunal constate le consentement éclairé des deux requérants et statue sur l’homologation. Le jugement doit intervenir dans les 6 mois suivant le dépôt de la requête. L’homologation du consentement signé à l’étranger produit les mêmes effets que ceux prévus à l’article 311-20 alinéas 2, 3, 4 et 5.»
Le bénéfice de cette proposition est évidemment le fait que ce consentement étranger par l’homologation rendrait notamment incontestable la filiation d’intention et la sécuriserait comme le consentement au don signé chez notaire.
- soit, par l’ouverture de la possession d’état aux parents de même sexe comme expliqué au I , soit par l’adoption de l’enfant du conjoint/concubin.
Ce toutefois, dans le dernier cas, que la procédure en adoption plénière ou en adoption simple soit simplifiée : adoption de l’enfant du conjoint/concubin et suppression de la perte de l’autorité parentale dans les adoptions simples d’un enfant mineur.
Concernant l’adoption plénière, l’article 345-1 du code civil pourrait faire l’objet d’une modification pour voir mentionné en lieu de conjoint les termes pacsés ou concubins :
« L’adoption plénière de l’enfant du conjoint, du pacsé ou du concubin est permise :
1° Lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint ;
1° bis Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ;
2° Lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ;
3° Lorsque l’autre parent que le conjoint est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant. »
L’article 346 du Code Civil :
« Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux, deux personnes pacsées, deux concubins.
Toutefois, une nouvelle adoption peut être prononcée soit après décès de l’adoptant, ou des deux adoptants, soit encore après décès de l’un des deux adoptants, si la demande est présentée par le nouveau conjoint du survivant d’entre eux. »
S’agissant de l’adoption simple, il sera modifié l’article 363 du code civil en ce qu’il mentionnera désormais :
« L’adoption simple confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom de ce dernier. Toutefois, si l’adopté est majeur, il doit consentir à cette adjonction.
Lorsque l’adopté et l’adoptant, ou l’un d’eux, portent un double nom de famille, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction du nom de l’adoptant à son propre nom, dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Le choix du nom adjoint ainsi que l’ordre des deux noms appartient à l’adoptant, qui doit recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom de l’adoptant au premier nom de l’adopté.
En cas d’adoption par deux époux, personnes pacsées, ou concubins, le nom ajouté à celui de l’adopté est, à la demande des adoptants, celui de l’un d’eux, dans la limite d’un nom. Si l’adopté porte un double nom de famille, le choix du nom conservé et l’ordre des noms adjoints appartient aux adoptants, qui doivent recueillir le consentement personnel de l’adopté âgé de plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom conféré à l’adopté résulte de l’adjonction en seconde position du premier nom des adoptants selon l’ordre alphabétique, au premier nom de l’adopté.
Le tribunal peut, toutefois, à la demande de l’adoptant, décider que l’adopté ne portera que le nom de l’adoptant ou, en cas d’adoption de l’enfant du conjoint, que l’adopté conservera son nom d’origine. En cas d’adoption par deux époux, personnes pacsées, ou concubins, le nom de famille substitué à celui de l’adopté peut, au choix des adoptants, être soit celui de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux et dans la limite d’un seul nom pour chacun d’eux. Cette demande peut également être formée postérieurement à l’adoption. Si l’adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel à cette substitution du nom de famille est nécessaire. »
L’article 365 du code civil serait modifié pour faire disparaitre la perte de l’autorité parentale du parent en cas d’adoption simple de son enfant :
« L’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté. L’adoptant a l’autorité parentale concurremment avec son conjoint, pacsé ou concubin, parent de l’enfant adopté.
Les droits d’autorité parentale sont exercés par le ou les adoptants dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre.
Les règles de l’administration légale et de la tutelle des mineurs s’appliquent à l’adopté. »
III – L’intégration des PMA réalisées à l’étranger dans le dispositif de la loi
S’agissant des PMA qui seront réalisées postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi bioéthique, il convient d’une part, de déconnecter la question de la filiation de celle de l’accès aux origines génétiques.
D’autre part, de ne pas pénaliser l’enfant en rendant plus complexe l’établissement de sa filiation au motif qu’il aurait été conçu par PMA à l’étranger.
Ainsi l’enfant conçu grâce à une PMA réalisée à l’étranger verra sa filiation établie comme celui conçu en France mais sera naturellement soumis quant à l’accès à ses origines à la législation du pays dans lequel sa conception s’est concrétisée.
Retrouvez la tribune publiée par l’APGL dans le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/05/pma-nous-demandons-les-memes-droits-pour-toutes-les-femmes-et-leurs-enfants_5506796_3232.html